En Belgique, il y a une dizaine de jours, Patrick Dupriez, le co-président du parti écolo, a démissionné pour des raisons personnelles. Et plus précisément, il sentait qu’il ne serait pas à la hauteur de la tâche demandée : mener son parti jusqu’aux prochaines élections. Nous n’en saurons pas beaucoup plus… Cela lui appartient.
Loin de moi de vouloir faire de la politique, mais cette démission me trotte dans la tête et m’inspire diverses réflexions sur le monde du travail, sur la manière la plus appropriée de gérer notre relation au travail.
Tout d’abord, cette démission intervient juste après des élections dont les résultats montrent une progression de ce parti. Notre homme ne quitte donc pas un bateau en pleine détresse, mais bien un navire qui avance bien.
Les raison invoquées sont d’ordre personnel. C’est donc par rapport aux objectifs de son travail (co-diriger le parti jusqu’aux prochaines élections) qu’il se positionne. Il ne s’agit pas ici d’un conflit de valeur avec son employeur. Plutôt une nécessité personnelle : produire un travail qui mène à la réussite. Je suppose que cette décision a été le fruit d’une mûre réflexion, d’une analyse de ses forces, de ses faiblesses, de ses attentes par rapport à son travail. Cela demande du courage, mais aussi la force de se regarder au travail.
Monsieur Dupriez explique qu’il en a longuement parlé avec la co-présidente : Zakia Khattabi. Cette prise de distance est plus facile à réaliser quand il est possible d’en discuter, d’échanger pour approfondir sa décision.
Cela me rappelle cette histoire de la grenouille qui nage calmement dans une bassine d’eau froide. Puis on allume le feu sous la casserole, et lentement, l’eau chauffe. C’est au départ bien agréable. Peu à peu la chaleur devient incommodante, mais cela reste supportable. Et elle continue à nager. Puis cela devient désagréable, mais la grenouille commence à perdre sa force, elle se ramollit. Son courage s’en va… Et elle n’a plus d’énergie pour réagir. Elle finira toute cuite dans la marmite !
Voilà donc une personne qui a senti que, pour lui, l’eau commençait à chauffer et que cela devenait inconfortable pour lui. Il a alors rassemblé toute son énergie pour sauter hors de la « bassine » avant que l’eau ne soit trop chaude. Félicitations !
L’important dans une carrière professionnelle, c’est de rester acteur de celle-ci, de mener sa barque dans la direction qui nous semble la plus épanouissante, en accord avec notre être profond, même si l’on surfe sur une vague de réussite. Pour y parvenir, il faut accepter de se donner le temps de prendre distance, d’en discuter avec d’autres, de se donner le moyen d’analyser la situation … Et ensuite, on peut (re)choisir ou non, son métier.
Envisager de quitter un job, c’est une prise de risques : que vont penser les proches, grosse incertitude financière, comment retrouver un travail plus épanouissant ? Mais comme écrit Christian Bobin : « Pour qu’une chose se termine, il faut qu’une autre commence. Et les commencements, c’est impossible à voir.»
Certains employeurs facilitent la prise de distance en incitant à participer à des séminaires de réflexion, en développant des espaces de paroles. Mais cela reste, hélas, peu fréquent. Car, cet espace-temps est peu productif à court terme. Alors qu’à long terme, il peut garantir plus d’épanouissement au travail, et donc diminuer le risque d’absentéisme.
Et vous, cela fait longtemps que vous n’avez plus pris le temps de réfléchir par rapport à votre travail ? C’est donc peut-être le moment d’éviter de vous laisser cuire (burn out ne veux-il pas dire brûler, cramer à l’extérieur?)
Et bonne route à vous, Monsieur Dupriez !
Bénédicte Hautier